Action en revendication de propriété sur la marque et application de la prescription

 

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Source image : site Définition juridique

 

Cette décision démontre une fois de plus que les victimes d’un dépôt de marque réalisé frauduleusement ont intérêt à agir le plus rapidement possible afin d’éviter l’application de la prescription de cinq ans.

(CA Paris, 19-11-2019 n°2018/08795)

 

L’action en revendication

Lorsqu’une marque a été déposée et enregistrée en fraude des droits d’un tiers, ce dernier peut agir en justice pour solliciter la titularité de la marque. Cliquez-ici pour une définition juridique de revendication.

Principe : prescription de cinq ans

Cette action en revendication de propriété sur la marque se prescrit par cinq ans conformément à l’article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle, alinéa 2.

Exception : mauvaise foi du déposant

Néanmoins, cet alinéa 2 prévoit que la prescription ne s’applique pas en cas de mauvaise foi du déposant.

Comment caractériser la mauvaise foi susceptible d’écarter la prescription de cinq ans ?

Plusieurs personnes physiques s’étaient rapprochées pour construire un projet commun en utilisant le signe « aboutbatteries.com ». Or l’un d’eux avait procédé au dépôt de marque en son nom personnel sans concertation préalable avec ses futurs associés et sans les avoir informés. Le demandeur soutenait ainsi que le dépôt de marque avait ainsi été réalisé frauduleusement.

Le tribunal avait caractérisé la mauvaise foi au regard du fait que :

« M. T, en déposant la marque  »ABOUT BATTERIES » en son nom personnel sans l’accord des futurs associés, a manifesté un comportement caractérisé par une démarche exclusivement personnelle, en contradiction totale avec l’esprit et l’intérêt commun, que ce comportement était contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale et constitutif de mauvaise foi ».

Cette décision est infirmée par la Cour d’appel. En effet, elle considère que si ces faits sont constitutifs de fraude, ils ne sont pas à même de démontrer la mauvaise foi du déposant ayant pour effet d’écarter l’application de la prescription :

« Si, dans ce contexte, l’attitude de M. T, qui a procédé au dépôt de la marque en son nom propre le 3 mars 1999, peut prêter à interrogation dans la mesure où il s’est ensuite abstenu d’apporter cette marque à l’actif de la société AbOUTbATTERiES nouvellement créée – alors que M. L (via sa société MAC WAY qu’il dirigeait) a, lui, cédé le nom de domaine antérieurement réservé à la société une fois celle-ci immatriculée -, et où il a plusieurs années après, à compter du 1er octobre 2005 (premier contrat de licence consenti par sa société GTMd), commencé à monnayer sa marque en concluant, via les sociétés GTMd et EdOGAWAbASHi, constituées par lui, des contrats de licence à titre onéreux avec la société AbOUTbATTERiES, ces circonstances, qui sont postérieures au dépôt, sont insuffisantes pour caractériser sa  mauvaise foi, laquelle doit s’apprécier au jour du dépôt, ainsi qu’il ressort des termes mêmes de l’alinéa 2 précité (« À moins que le déposant ne soit de mauvaise foi… ») qui visent expressément le  »déposant » (et non pas le titulaire  de la marque).

Par ailleurs, il n’est pas démontré que M. T ait déposé la marque en secret ou à l’insu de M. L et dans une démarche purement personnelle incompatible avec l’intérêt commun des deux associés et de la future société, comme il est soutenu. En effet, M. L a lui aussi procédé de son côté, via sa société MAC WAY, à la réservation du nom de domaine et la preuve n’est pas rapportée que le dépôt effectué par M. T le 3 mars 1999 et son droit de propriété sur la marque aient été contestés au cours des années suivantes et jusqu’à l’introduction du présent litige par assignation du 6 février 2017, et notamment en novembre 2005 lorsque la société AbOUTbATTERiES a pris pour la première fois une licence à titre onéreux de cette marque ou le 30 juin 2006, lorsque cette convention de licence a été soumise à l’assemblée générale ordinaire annuelle des associés à laquelle était présent notamment M. L, étant en outre précisé que les relations entre M. T et M. L étaient alors fortement dégradées depuis au moins le milieu de l’année 2005, ainsi que le montre le courrier en date du 7 juillet 2005 adressé par M. T à M. L qui fait état des propos injurieux que ce dernier aurait tenus à son encontre ».

Cette décision démontre que la mauvaise foi du déposant faisant échec à l’application de la prescription de l’action en revendication est très difficile à rapporter. La distinction entre « fraude » et « mauvaise foi » n’est pas toujours évidente… En réalité, les circonstances de l’espèce laissent à penser que le demandeur à l’action avait, ou aurait dû avoir connaissance du dépôt de marque dans les cinq années ayant suivi le dépôt.

Conséquences : n’attendez pas pour agir en revendication !

 

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